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Sur les traces de Jean et Geneviève Masurel, collectionneurs-donateurs (1/4) : une enquête, des questions

Geneviève et Jean Masurel © DR

Historienne, professeure d’université à Tours, j’ai eu la chance d’être entre février et juillet 2023 « Chercheuse en résidence » au musée LaM, où j’ai pu mener une enquête historique sur le couple de collectionneurs Jean et Geneviève Masurel, dont les donations en 1979 et 1980 ont constitué le noyau de la collection actuelle du musée. J’ai pu, dans le cadre de cette recherche, développer et tenter de répondre à une série de questions qui sont dans le droit fil de mes travaux précédents.

Qui sont les collectionneurs ?

Pour ma thèse de doctorat, qui portait sur l’histoire des galeries d’art contemporain à Paris entre 1945 et 1970, je me suis intéressée non seulement aux marchands et aux artistes, mais aussi aux collectionneurs, qui étaient les grands absents des archives, alors même que les sources disponibles confirmaient combien ils étaient essentiels pour la vie voire la survie des galeries d’art qui ne vendaient alors que très peu aux musées.

Comment devient-on collectionneur, et quel rôle la famille peut-elle jouer ?

Ensuite, lors d’une enquête sur les collections privées et les questions de genre, j’ai été sensible à la diversité des configurations familiales possibles dans l’éveil de « vocations » de collectionneurs – mari et femme, mais aussi oncle et neveu, cousinades, etc. L’exploration de l’influence du milieu familial dans les itinéraires singuliers de collectionneurs, hommes et femmes, est un aspect essentiel d’une histoire sociale de la collection d’art qui progresse actuellement dans la recherche.

Qui sont les Masurel ?

En 2022, le ministère de la culture et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ont lancé un appel à candidatures pour un nouveau type de projet de recherche, portés conjointement par un.e chercheur.e et un musée : le LaM a alors manifesté le désir qu’une enquête soit menée sur Jean et Geneviève Masurel, visant à combler certaines lacunes de la connaissance historique sur leur itinéraire de collectionneurs.

Bien des éléments de la vie publique de Jean et Geneviève Masurel sont à l’évidence très connus – et tout particulièrement la donation, officiellement actée le 16 octobre 1979, d’un grand ensemble d’œuvres d’art moderne à la Communauté urbaine de Lille, avec une ambition résumée dans l’acte de citation en ces termes : « rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres d’art caractéristiques de notre temps, associer le public à la recherche permanente sur l’évolution de l’art moderne, favoriser la création des œuvres d’art et promouvoir les activités de loisirs et de culture ». Cette première donation, de 186 œuvres, a été complétée par une seconde le 25novembre 1980 de 36 œuvres supplémentaires portant l’ensemble à 222 œuvres qui ont formé le point de départ de la collection du nouveau musée édifié ensuite et inauguré le 17 novembre 1983.

Fig. 1-1. Jean Masurel, Arthur Notebart et Geneviève Masurel lors de la signature de l’acte de donation © DR

Mais de nombreuses questions persistent, pour qui s’intéresse non pas à l’aval (l’entrée dans les collections publiques françaises inaliénables d’un ensemble exceptionnel d’œuvres d’art acquises par Roger Dutilleul et Jean Masurel depuis 1908), mais à l’amont : comment s’est constituée cette collection, dans le domaine privé, avant la donation ? L’enjeu est de reconstituer, aussi finement que possible, un « itinéraire » de collectionneurs, à la fois très singulier – car une collection d’art est toujours singulière, faite de rencontres décisives avec des personnes – artistes, galeristes mais aussi autres collectionneurs comme on le verra ici – et rencontres avec des objets : des œuvres d’art dont certaines sont désirées mais non acquises, d’autres sont achetées et deviennent des compagnes de vie pour quelques mois, quelques années voire quelques décennies. L’enjeu est aussi de le remettre dans son contexte, national et international, celui du milieu du XXe siècle qui est un temps de grandes expérimentations en termes de mécénat et de soutien aux artistes, d’une part, et de transmission patrimoniale, d’autre part.

Fig. 1-2. Exploration des archives du musée à la Bibliothèque Dominique Bozo © Julie Verlaine

Avec toutes ces questions en tête, l’enquête a pu commencer. Pendant quelques mois, j’ai cheminé avec les Masurel, avec l’art et les artistes de leur époque, essayant de glaner, ici et là, des éléments permettant de mieux comprendre leurs choix, leurs goûts, leurs évolutions. Cela m’a conduite dans les archives du LaM, bien sûr, mais aussi dans de nombreux autres bibliothèques et centres d’archives, sur les traces de Jean et Geneviève Masurel, collectionneurs-donateurs.

Fig. 1-3. Dépouillement des imprimés anciens et fragiles dans la salle Labrouste (Institut national d’histoire de l’art, Paris) © Julie Verlaine



OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Julie Verlaine (11 octobre 2023). Sur les traces de Jean et Geneviève Masurel, collectionneurs-donateurs (1/4) : une enquête, des questions. LaM, carnet de recherche. ISSN 3002-6083. Consulté le 11 novembre 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/m8ns


Auteur/autrice : Julie Verlaine

Julie Verlaine est professeure d’histoire contemporaine à l’université de Tours, membre du laboratoire CeTHiS. Elle travaille sur les relations entre arts et sociétés, en particulier sur le marché de l’art (Les Galeries d’art contemporain à Paris, 2012 ; Daniel Templon¸2016), les collections publiques et privées (Femmes collectionneuses d’art et mécènes, 2014), les processus de patrimonialisation, le mécénat et la philanthropie, phénomènes qu’elle interroge notamment au prisme du genre. Elle est depuis 2020 co-directrice de la revue Sociétés & représentations. Elle co-préside l’Association de préfiguration du musée des féminismes (Afémuse).